
SPORAMA 2025
Sport et littérature francophone :
une alliance de l'action et du verbe
Dans sa communication pour la 3ème édition de SPORAMA 2025, le professeur Michel Boyer, enseignant à Sciences Po Rabat, explore les relations complexes entre sport et littérature francophone, démontrant que cette alliance dépasse le simple divertissement pour devenir un véritable "espace d'expérimentation narrative, poétique, philosophique et politique".
Les fondements historiques d'une rencontre
Boyer rappelle que dès l'Antiquité, avec Homère et Plutarque, la littérature met en scène des "corps glorieux, athlétiques, engagés dans une lutte pour l'honneur et le dépassement de soi". Cette tradition se perpétue et se transforme au fil des siècles, particulièrement à partir du XIXe siècle avec l'émergence du sport moderne et des Jeux olympiques (1896).
Les grandes figures du XXe siècle
Deux auteurs dominent selon Boyer ce paysage littéraire : Albert Camus, pour qui le football devient une "métaphore existentielle" - "Ce que je sais de la morale, c'est au football que je le dois" - et Henry de Montherlant, qui dans Les Olympiques (1924) transforme le sport en "théâtre antique où se rejoue le destin des héros modernes".
Boyer souligne également l'importance d'Antoine Blondin, chroniqueur sportif de L'Équipe qui "transforme les exploits sportifs en épopées humaines", créant un style unique mêlant "érudition, humour et envolées lyriques".
La littérature contemporaine (2000-2024)
Dans la période contemporaine, Boyer identifie une évolution majeure : le sport devient "une métaphore centrale de la société contemporaine" traitant des "enjeux économiques, culte de la performance, inégalités genrées". Il cite notamment :
- Laurent Mauvignier avec Dans la foule (2006), qui revisite le drame du Heysel
- Jean-Philippe Toussaint et son Football (2015), mêlant autobiographie et méditation esthétique
- Tahar Ben Jelloun avec Le Vainqueur de coupe (2006), explorant les tensions postcoloniales à travers le football
La contribution africaine francophone
Boyer consacre une analyse particulière aux auteurs subsahariens francophones, montrant comment ils "ont renouvelé les imaginaires sociaux" depuis 2000. Il cite notamment :
- Alioune Sow et son étude Football et littératures en Afrique (2005)
- Jean-Baptiste Kiéthéga avec Corps et luttes (2016), célébrant les lutteurs traditionnels
- Fatoumata Diarra analysant le sport comme outil de citoyenneté en Afrique de l'Ouest
Conclusion : Un prisme révélateur
Pour Boyer, le sport dans la littérature francophone n'est pas un "simple thème périphérique" mais devient un "prisme puissant d'expression littéraire" révélant "les contradictions et les potentiels des jeunesses africaines contemporaines". En croisant "l'esthétique du corps et celle du langage", cette alliance offre "un précieux regard critique et sensible sur la place du sport dans nos sociétés".
L'analyse de Boyer démontre ainsi que la littérature francophone, du Maghreb à l'Afrique subsaharienne, utilise le sport comme un "langage universel" permettant d'explorer les questions identitaires, sociales et existentielles de notre époque.
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